dimanche 28 mai 2017

Paternité et généalogie




Il est une question qui arrive très rapidement quand on parle de Polyamour c'est : "Mais comment vous faites avec les enfants pour savoir qui est le père !?"

Ce questionnement montre, selon moi, deux choses :
La première c'est que le premier raccourci qui est fait c'est Polyamour = sexe dissolu. Car oui c'est bien connu, une relation amoureuse ce n'est pas que pour le sexe il y a quelque chose en plus, mais seulement dans le cas des relations monogames et hétérosexuelles, car sans l'un de ces deux critères alors on est forcément dans la luxure et donc qui dit luxure dit : on baise tout ce qui passe et on se fait sauter par tout ce qui traîne, et pas besoin de demander les noms.

A cette affirmation, je répondrais : quand bien même on n'est pas dans un film américain et qu'au 21ème siècle il est possible de gérer sa conception et que quand bien même une femme aurait des rapports multiples, non protégés, sans attention particulière, dans un temps court autour de la période d'ovulation avec plusieurs hommes ayant un physique très proche, il existe maintenant des tests ADN non invasifs et abordables qui pourront répondre à vos questionnements (Attention cependant ces tests ne sont pas légaux en France). Mais plus simplement sinon : On sait se tenir !

En y réfléchissant un peu plus on peut voir que cette question implique un amalgame entre père et géniteur et que le premier ne peut l'être que s'il est le second. Et c'est vrai que c'est intuitif, c'est logique, c'est normal...J'ai fait un enfant je suis son géniteur donc je l'élève, je suis donc le père. Quoi de plus "naturel" à ça ?

On connaît tous pourtant des personnes dont le géniteur n'est pas le père de l'enfant. Un homme qui sachant, ou non, qu'il n'est pas celui qui a mis la "petite graine" l'a éduqué, élevé, a pourvu à ses besoins. Avec un taux de divorce de plus de 50% on connaît tous aussi des marâtres et des parâtres qui s’occupent d'enfants comme s'ils "étaient les leurs", pour certains même mieux que leurs géniteurs ou génitrice. On pourrait aussi parler de ces parents dont les enfants ont été adoptés, qui prouvent que l'amour filial n'est pas qu'une question de génétique.

Et pourtant cette idée de vouloir limiter la parentalité à la génétique est encore vivace et puissante. A tel point que dans beaucoup de films, séries et média de divertissement on nous raconte l'histoire de l'enfant qui rejette son père ou sa mère pour aller chercher son géniteur ou sa génitrice et nouer des liens d'instinct beaucoup plus puissants que les autres simplement parce que "ils sont du même sang". C'est même un des poncifs des séries américaines qui m'énerve le plus.

Sur le plan de la génétique évolutive ça se tient. On veut que ce soit ses propres gènes qui perdurent car on veut que notre patrimoine génétique reste dans la lignée humaine à l'avenir. Pourtant ça fait un moment qu'à quelques pathologiques exceptions près, les mâles humains ont arrêté de zigouiller les petits des femelles qu'ils venaient de conquérir. Donc le coté "c'est la nature qui veut ça" il est quand même assez limité.
Et même sans aller jusque là, comme je viens de le dire, il existe beaucoup de parâtres et de marâtres qui éduquent leur beau-fils et belle-fille sans être ce que les contes de fées ont dépeint et réussit à faire entrer dans le langage courant. J'imagine qu'à de rares exceptions près, en lisant ce texte vous avez tiqué sur ces mots et vous avez à la lecture de marâtre vu au choix, celle de Blanche-neige ou celle de Cendrillon. Vous ne saviez peut-être même pas que marâtre ne voulait dire autre chose que "mauvaise belle-mère" et l’existence du mot parâtre vous était probablement inconnue. Et pourtant ces mots ne sont pas négatifs à la base, et ne sont que des indicateurs de liens familiaux.

<aparté> il est intéressant de voir comment dans le langage courant, en même temps que "marâtre" et "parâtre" ont disparu pour être remplacé par "beau-père" et "belle-mère", qui sont à la base les parents du conjoint, les termes "gendre" et "bru" ont eux à l'inverse été remplacé par "beau-fils" et "belle-fille". Enfin surtout bru, gendre est encore utilisé. Résultat on se retrouve dans une discussion à devoir préciser de qui on parle. Car le fils de mon beau-père c'est mon beau-frère, mon demi-frère ou bien une personne totalement étrangère à ma généalogie qui est le fils du second mari de ma mère, qu'il a eu avec sa première femme. Bon, il se trouve que ma femme n'a qu'une sœur, ça simplifie, mais ça me laisse quand même deux possibilités :)
</aparté>

Mais alors pourquoi cette idée est elle si ancrée encore à l'heure des familles recomposées ? Depuis que j'ai commencé à écrire ces lignes je pense très fortement à deux marâtres de mes amies (elles détestent que je les appelle comme ça *Troll*) et qui me disent toutes les deux la même chose : elles aiment leurs beaux-enfants comme les leur et se sentent un devoir envers eux qui est le même qu'envers leurs propres enfants. Elles les aiment de la même manière, elles les aident de la même manière, elles les engueulent de la même manière. Le problème, pour l'une des deux en tout cas, c'est la mère qui semble se sentir en danger vis à vis de cet amour. la maman semble avoir peur d'être dépossédée de l'amour de son enfant et de la possibilité de l'aimer si la marâtre peut en faire autant. En conséquence elle développe une forte antipathie pour mon amie et semble faire preuve, en tout cas de ce qu'on me rapporte, d'un comportement de jalousie compétitive.

En fait on y revient encore. On ne peut aimer que ce qu'on possède et on possède ceux qu'on aime.