lundi 28 mai 2018

Les hommes savent bien ce que les autres hommes ont dans la tête



Car tous les hommes « savent bien ce que les autres hommes ont dans la tête ». Mais ceci est encore une autre histoire pour un autre billet...

En écrivant ces lignes je ne pensais pas plus loin que le fait que ça puisse donner matière à un autre article. Mais visiblement, la lecture de cette phrase en a frustré plus d'un et plus d'une qui est "resté sur sa faim". Je vais donc arrêter de repousser ma logorrhée et me mettre à écrire mes pensées. Mais autant dire que ça ne va pas être simple de mettre au clair le fouillis de pensés que m'inspire cette simple phrase.

Il y a tellement de chose dans cette petite phrase que je ne sais pas trop par où commencer. Essayons avec un peu de contexte, je suis un homme, hétéro, cis-genre, européen ayant une vie tout ce qu'il y a de confortable. Et si mon enfance n'a pas été rose, maintenant je n’ai plus à me plaindre. Autant dire qu'à la loterie de la vie, je fais plutôt partie des chanceux. Pourquoi cette mise en contexte ? Hé bien tout simplement parce que cette phrase en tant qu'homme éduqué dans notre société française actuelle, il fut un temps où j'y ai cru.
En tant que petit garçon on nous apprend que pour nous c'est normal d'avoir envie de jouer à touche-pipi, on glorifie nos envies sexuelles si nous commençons à montrer de l'attirance pour "les filles". D'ailleurs les pères se félicitent que leurs fils soient des tombeurs, ils se tapent dans le dos et congratulent leur couillu quand il a enfin trouvé une donzelle qui a bien voulu les déniaiser, et lui souhaitent par la suite plein de conquêtes et espère qu'il sera un bon coup car il en va de l'honneur des hommes de la famille.
A contrario, s'ils ont une pissouse, la première question qu'ils vont se poser entre eux c'est "As-tu un fusil de chasse et des pièges à loup ?" et proposer en rigolant de s'échanger l'adresse du couvent le plus proche. Et quand, vers 18 ans, vient le temps d'une sexualité possible, même si prématurée, aux yeux des parents, alors la maman ira voir sa fille pour lui expliquer que le premier devra être cher à son cœur, être quelqu'un de spécial, que sa fleur ne s'offre pas au premier venu, qu'il faut faire bien attention à bien le choisir car un premier ça compte beaucoup. Et quand cette dernière avouera qu'elle a déjà connu le loup il y a quelques années déjà, là, on demandera à la demoiselle délurée si elle est sûre que le garçon l'aimait vraiment, et si elle aussi l'aimait pour de vrai. On la mettra en garde contre le fait de ne pas simplement vouloir faire comme ses copines, et bien sûr on s’inquiétera du fait qu'elle ai pensé à se protéger des grossesses tout en lui souhaitant que ce soit son véritable amour en espérant qu'elle soit toujours avec bien sûr. Et si ce n'est pas le cas, elle aura surement le droit à "t'inquiète pas le prochain sera peut être le bon".
Ces deux comportements vous paraissent peut être caricaturaux, mais pourtant c'est du vécu autour de moi. Pour ma part, je dois avouer que j'ai commencé à ouvrir les yeux à la naissance de ma fille. C'est là que j'ai commencé à tiquer sur cette différence de discours qui m'étaient tenus entre mon fils et ma fille. Rien de méchant, juste des blagues qu'on se dit entre papas en riant de bon cœur et sans méchanceté aucune. De bon conseil qu'on donne, qu'on a donné ou qui nous ont été donnés. De belles phrases qu'on entend dans les films, les séries, les livres, les BDs et tout autre média. J'ai fini par y voir un dénominateur commun :

Mon fils devait être encouragé, ma fille devait être protégée.


C'est à ce moment que mon esprit fût pris d'un doute et commença à se poser ma question préférée. La question dont les réponses ne m'ont jamais déçu. Une question simple, et pourtant puissante. Cette question tient en un seul mot : "Pourquoi ?"
Pourquoi cette différence de traitement entre filles et garçons ? Qu'est-ce qui justifie cela ? Pourquoi devrais je protéger ma fille ? Contre quoi ?
Assez rapidement je suis arrivé à une conclusion assez dérangeante : si je devais protéger ma fille c'était parce que je devais encourager mon garçon et que si j'allais devoir encourager mon garçon c'est parce que j'allais apprendre à ma fille à se protéger. Nos filles doivent se méfier parce que nos fils apprennent à insister. Nos fils doivent insister parce que nos filles apprennent à se méfier. C'est sans fin.

Ainsi on finit par générer des comportements où les femmes se positionnent en proie et les hommes en prédateurs. Dit comme ça, ça peut vous paraître un propos féministo-extrémiste, le genre de propos balayé d'un revers de la main quand on ne sait pas trop quoi rétorquer à part que "non c'est pas vrai". Et pourtant, si on essaye d'inverser les rôles que se passe-t-il ?
Imaginons une femme seule dans un bar (déjà là c'est inhabituel) qui au lieu d'attendre patiemment qu'un homme vienne à elle pour lui payer un verre et lui dire que son père était un voleur car il a pris les étoiles du ciel pour les mettre dans ses yeux, va à la rencontre du gars à l'autre bout du bar sur qui elle a flashé, et lui propose de lui offrir un verre en s’asseyant à coté de lui et à la fin de la soirée l'invite chez elle pour "un dernier verre".
Je ne sais pas pour vous, mais moi ce genre de scène me parait de la science-fiction en l'état actuel des choses. En revanche, il m'a été souvent relaté la situation inverse par des amies et des amis. Et cette situation, dans laquelle l'un des protagonistes est en chasse et l'autre chassé, est régulièrement visible dans les lieux de sociabilisation mais avec l'homme dans la position du dragueur. D'ailleurs on dit bien un dragueur, pas une dragueuse. Pour les femmes on parlera plus souvent d'allumeuse dans ces cas-là. Un mot, qui même si dragueur est moins bien connoté maintenant, est quand même bien plus négatif et accusateur. Déjà parce qu'une allumeuse ça ne va pas au bout des choses, car rappelez-vous qu'une fille ne donne son corps qu'à un homme qu'elle aime et qui l'aime, ensuite parce que si ce n'est pas une allumeuse c'est que c'est une fille facile. Et là c'est encore pire.
Car oui, il y a pire qu'une allumeuse c'est une fille facile, celle qui se donne au premier venu (on notera au passage le terme "donner") ou bien trop rapidement.
Amusez-vous à faire la recherche suivante sur votre moteur de recherche préféré : "how many date before sex" ou en bon Français "combien de rendez-vous avant de coucher". Autant les articles que les commentaires de ces derniers vous montrerons que cette question est loin d'être une une question anodine pour beaucoup de femmes et d'hommes. Même si là encore, vous y verrez la différence de lecture de cette question. Les femmes se posent la question sous la connotation : "combien attendre pour ne pas avoir mauvaise réputation ?", alors que les hommes eux plutôt : "combien attendre pour ne pas la faire fuir ?". Là encore, l'un cherche à savoir jusqu'où il peut insister, l’autre jusqu'où elle peut résister.

Je digresse, je digresse, mais pas tant que ça. Car oui on en arrive à la fameuse phrase "on sait bien ce que les hommes ont dans la tête". Et ce que les hommes-chasseurs ont dans la tête c'est la volonté de chasser un trophée. Et ce trophée est situé entre les jambes des demoiselles-proies. Il devra pour l'obtenir user de ruses et de patience. Mais il n'est pas exclu que certains y préfèrent la méthode du piège et la force. C'est justement pour cette raison que nos demoiselles-proies devront quand à elle apprendre à se méfier, rester toujours sur le qui-vive et ne pas laisser penser qu'elle est une proie facile, au risque de voir défiler tout les hommes-chasseurs viandards et à se voir considérées comme une proie de piètre qualité et sans véritable intérêt puisque tout chasseur sait bien qu'il est plus glorifiant de réussir à obtenir une proie difficile.

Tout ceci étant dit, il reste un gros problème. Comment y remédier ?
On pourrait commencer par enseigner à nos fils qu'ils ne sont pas des chasseurs et à nos filles qu'elles ne sont pas des proies. C'est un très bon début, même s'il n'est pas exempt de problème pour eux car tant que la majorité ne sera pas éduquée comme cela, ils risquent de se voir jugés par les autres à la lumière ce qu'ils n'ont pas été éduqué pour être.
Reste aussi le problème pour ceux qui ne sont plus des enfants. Ainsi dans les lieux de drague et de rencontre, on retrouve d'un côté des femmes qui se comportent comme on leur a appris, telles des princesses dans leur tour attendant de voir si l'un des princes mérite son attention, et de l'autre des hommes se comportant aussi selon un schéma acquis et pour qui un "non" n'est qu'un "peut-être" et qui pensent que s'ils ne sont pas insistant ils n'auront rien. Et là, à moins d'une prise de conscience globale ça va être très dur. Mais je ne désespère pas. Car je sens poindre chez certaines de mes amies l'envie de ne plus répondre à ce schéma.