jeudi 29 juin 2017

Hellfest, le carnaval médiéval moderne



Le Week-End du 17 Juin j'étais  au Hellfest pour la troisième fois de ma vie. Et comme les deux fois précédentes en 2012 et 2015, j'y ai trouvé cette atmosphère particulière, une sorte de mélange de liberté et de défouloir, mais aussi un grand respect des uns et des autres.
Pour ceux qui ne le sauraient pas encore le Hellfest est un festival de musique metal qui se passe tous les ans depuis 12 ans à Clisson (44). Toutes les musiques "extrêmes" y sont représentées, du bon gros death metal qui tâche façon Gojira jusqu'au Hard-FM doucereux de Scorpion en passant par des trucs plus ou moins "pointus" comme In extremo, sorte de troubadours Teutons qui ont mis les doigts dans une prise ou encore Ultra Vomit, des Nantais qui font du heavy metal parodique bien délirant. Le tout en 160 concerts sur 6 scènes pendant 3 jours. Autant dire que ça envoie du lourd.
Et là, si comme Christine B. vous n'y connaissez absolument rien et que vous n'avez vu de loin que les pochettes de groupes de black metal, vous vous dites que c'est un endroit où les gens doivent faire la tête, être tous grimmés en noir et blanc, brûler des crucifix, et autres choses auxquelles on s'attend dans "un festival qui promeut et véhicule la culture de mort" (ou carrément sataniste selon Philippe DV.).
Mais si jamais vous avez fait un petit effort d'information et de recherche, en tapant simplement "Hellfest" dans un moteur de recherche, vous êtes tombés sur des images assez étonnantes. Cette année, celle qui tourne le plus est l'image d'une paraplégique qui slam sur la foule devant les mainstages. Image étonnante certes mais, croyez le ou non, image tout à fait normale dans ce festival, tous les ans des metaleux en fauteuils se retrouvent portés à bout de bras par d'autres metaleux. Vous trouverez aussi des gens déguisés, et pas tous en squelette ou en goules. Cette année j'ai pu croiser des licornes, Spiro le dragon, les Power Rangers, une momie, les tortues ninja, une princesse barbue, un gars habillé d'une simple chaussette, et encore plein d'autre. Et tout ce petit monde s'amuse dans la joie, la bonne humeur et la poussière (Car oui s'il est un fléau au Hellfest quand il faut chaud et sec c'est bien celui de la poussière).
L'autre chose intéressante au Hellfest, c'est qu'on est tous là bas dans nos "habits du dimanche", on a, en tout cas pour ceux qui ne se déguisent pas pour le festival, enlevé nos déguisements de travail pour se glisser dans nos blousons en cuir ou en jean patchés, nos pantalons treillis, kilt et autres T-shirt à l’effigie de nos groupes préférés. Comme vous le savez sûrement, le code vestimentaire est un fort marqueur social, on se trouve donc, l'espace d'un Week-End, à égalité. On pourra ainsi croiser trois personnes discutant du groupe qu'il faut aller voir tout en échangeant une bière sans réussir à distinguer celui d'entre eux qui est ouvrier tourneur-fraiseur, PDG d'une PME ou cadre dans un boite d'assurance. Et il y a de grande chance aussi, à moins de le connaitre, que vous ne réussissiez pas à deviner si l’énergumène qui a gueulé "APÉRO !!!" devant votre tente à 5h du mat avant d'aller se coucher est en fait DRH dans une SSII à la défense ou étudiant en deuxième année de lettre classique.

Réfléchissant à tout ça pendant ce WE, je me suis rappeler d'un livre que j'ai eu étant enfant "la vie privée des hommes - Au temps des chevaliers et des châteaux forts". Dans ce livre (qui appartient à une collection qui introduisait l'histoire auprès des enfants) il y avait un chapitre sur le carnaval au moyen-age. Le carnaval médiéval y était décrit comme un moment dans l'année de liberté presque totale, un moment où les rangs sociaux étaient effacés, le riche marchant pouvant côtoyer le cerf, l'un déguisé en l'autre. Les comportements absurdes et le lâcher prise y était accepté voire encouragé. Et en y pensant le Hellfest c'est tout à fait ça. Pendant ces quelques jours tout le monde y est égal, on peut tout y vivre (mais pas n'importe quoi), certains diront même en plagiant le célèbre dicton de Las Vegas : "Ce qui se passe à Clisson ! Reste à Clisson !".

A titre d'anecdote, je m'en vais vous conter nos voisins de camp cette année. Quand nous sommes arrivés le jeudi après midi, ils étaient déjà installéd et avaient visiblement commencé à se rafraîchir le gosier à l'aide de la boisson houblonnée drogue officiel des metaleux. Ils parlaient fort, très fort. Ils étaient très excités, leur camp au fur et à mesure du WE s'est couvert de cadavres de bouteilles et ils ont braillé tout le WE. Ca sentait la finesse à plein nez. Quand est arrivé le lundi matin, comme par un coup de baguette magique, leur comportement a changé au moment de plier les tentes, je ne voyais plus les mêmes personnes, les propos étaient posés et sages. Je ne sais pas ce que le "chef" du groupe fait dans la vie, mais vu comment il se comportait et comment il gérait sa troupe à ce moment là, je ne serait pas étonné d'apprendre qu'il soit cadre, ou même gérant d'une PME. Leur camp qui quelques heures avant était limite un dépotoir de cadavres de bouteilles se trouva à leur départ ne laisser qu'un petit monticule de poubelles triées, vert pour le verre, jaune pour le carton et les canettes, bleu pour le reste. Laissant aux bénévoles le soin de récupérer cela comme il se doit.

Voilà donc l'idée, pendant ces quelques jours, nous étions "autres", nous avons pu libérer la pression, nous retrouver entre personnes partageant un simple goût commun pour des musiques particulières. Bon tout n'est pas tout rose non plus, y a des trucs pas cool, certains ne savent pas tenir l'alcool, et ne savent pas s'arrêter. Mais je dois dire que je n'ai pas remarqué de nuisance particulièrement marqué, au contrairement même.
Et puis je préfère me focaliser sur ce qui me surprend toujours agréablement comme ces petits moments de partage et d'entraide qu'on peut voir là-bas. Un de ces points emblématiques est qu'au Hellfest, lors d'un circle pit si tu tombes tu trouveras quelqu'un pour te récupérer par le colback et te remettre sur pied avant de te faire mal. Des petits moments de libertés individuelles et collectives aussi, qui permettent, par exemple, à certaines femme de se balader seins nus sans qu'on les fasse chier. Et d'ailleurs gare aux fâcheux qui ne comprendraient pas qu'il faut se contenter de regarder poliment, car les dames là-bas ne sont pas des demoiselles en détresse, et au pire elles peuvent compter sur les autres autour en cas de besoin.

Vous l'aurez compris, j'adore ce festival, autant pour la musique que pour son ambiance. J'aime ce coté "soupape" de liberté. Et j'espère que nous saurons le conserver encore longtemps.